GABRIEL FAURÉ 1845-1924
Trio en ré mineur op. 120
Allegro ma non troppo
Andantino
Allegro vivo
BENJAMIN ATTAHIR né en 1989
Asfar (2016)
FELIX MENDELSSOHN 1809-1847
Trio n°2 en ut mineur op. 66
Allegro energico e con fuoco
Andante espressivo
Scherzo : Molto allegro – quasi presto
Finale : Allegro appassionato
Trio Zadig
Boris Borgolotto violon
Marc Girard-Garcia violoncelle
Ian Barber piano
1er Prix du Concours de la FNAPEC
2ème Prix du Concours Fischoff, États-Unis
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La figure de l’anti-héros
Mal aimé de l’histoire, incompris de son temps ou encore personnage romanesque, la figure de l’anti-héros traverse les âges, laissant derrière elle des êtres oubliés ou rejetés, qu’ils soient artistes ou personnages fictifs.
Gabriel Fauré compose son Trio op. 120 à la fin de sa vie, alors que de graves dysfonctionnements auditifs l’empêchent de percevoir les registres graves et aigus. Cette surdité grandissante éclaire l’ultime manière du compositeur français : un retrait vers l’intime, vers le dépouillement, au risque même d’un certain ascétisme. « Mon plus grand mal, c’est une fatigue perpétuelle » déclare-t-il après avoir achevé ce trio en 1922. D’une formule d’accompagnement obsédante sur laquelle sont énoncés les deux thèmes, le premier mouvement possède quelque chose d’hypnotisant. Le deuxième mouvement invite à la rêverie amoureuse, dans un dialogue entre le violon et le violoncelle, soutenus par le balancement régulier du piano. Enfin, le dernier mouvement teinte l’œuvre d’une vivacité, signe de la fougue qui anime encore le compositeur vieillissant.
D’un personnage aux antipodes du héros il est également question dans le Trio Asfar qui « retrace la destinée de cinq notes sauvagement jetées sur le papier, cinq notes comme les cinq lettres du nom de notre anti-héros, jeté, lui, dans le monde cruel d’un Orient fantasmagorique ». C’est de Voltaire et son Zadig, dont parle le compositeur Benjamin Attahir. Asfar, qui signifie « voyages » en arabe déploie un parcours au sein d’atmosphères inquiétantes. Construit par de violents échanges entre le piano et les cordes ainsi que l’obsession motivique de cinq notes, ce voyage dépeint les atrocités d’un monde inhumain. Individu en quête de vérité, Zadig fait partie de ces êtres ayant subi malgré eux les mésaventures de la vie, et forcés d’errer à travers l’hostilité d’un univers incompréhensible.
Après en avoir été l’un des enfants prodiges, Mendelssohn, le « Mozart du XIXe siècle », selon les mots de Schumann, est lui aussi en prise avec l’incompréhension du monde musical. Ses origines juives l’exposent à d’innombrables attaques antisémites, en particulier de Wagner qui n’hésite pas à publier de virulents articles sur son œuvre. C’est pourtant bien grâce à Mendelssohn que l’on doit la défense des musiciens de son temps – au premier rang desquels Schubert, dont il défend précocement l’œuvre symphonique. Le Trio n°2 op. 66 est composé en 1845 et suscite l’enthousiasme de Schumann : « C’est le maître trio de notre époque » La vitalité du premier mouvement cède la place à une romance sans paroles dans l’Andante espressivo ; l’ardeur du scherzo n’est pas sans rappeler l’Octuor de 1825 et le Finale emprunte une mélodie de choral pour son troisième thème.
Lara Bader